Comme de l'eau sur les plumes d'un canard… Le biomimétisme chez Thales, épisode n° 2
Et si les solutions aux enjeux de notre société se trouvaient dans la nature ? Poursuivons notre série en nous concentrant cette fois-ci sur la superhydrophobicité, et voyons comment elle peut nous aider à maintenir un équipement optique en parfait état de fonctionnement dans les conditions les plus difficiles.
La superhydrophobicité, qu’est-ce que c’est ?
« Imaginez une feuille de lotus, explique Julie Cholet, ingénieur de recherche chez Thales. Lorsque l'eau atterrit sur la surface, elle adopte une configuration sphérique, et elle est repoussée. C'est ce qu'on appelle la superhydrophobicité. Pour un objet comme une feuille de lotus, cela permet à la surface de minimiser son contact avec l'eau. »
Cette propriété est largement observée dans la nature, où certaines plantes et animaux ont évolué de manière à repousser l'eau afin de survivre. Cet « effet lotus » fait référence à la capacité de la feuille à s'auto-nettoyer grâce à sa surface ultra-hydrofuge. Lorsqu'une goutte d'eau atterrit sur la feuille, elle perle et roule, emportant avec elle la saleté, un peu comme la cire résiste à l'eau. Cette capacité à rejeter l'eau ne se limite pas au lotus ; de nombreuses plantes ont développé des stratégies similaires pour se protéger de l'excès d'eau, de la saleté et des agents pathogènes, chacune ayant son propre objectif biologique.
« Presque tous les animaux et plantes sont hydrophobes car aucun organisme vivant ne veut être complètement trempé, explique Edwin Plokker, conservateur au Museumfabriek, le musée d’histoire naturelle d’Enschede, aux Pays-Bas. La superhydrophobicité est cruciale pour augmenter les chances de survie. »
De nombreux animaux, notamment les insectes, les amphibiens et les espèces aquatiques, ont développé des techniques pour repousser l'eau. Ainsi, les araignées d'eau ont des pattes superhydrophobes leur permettant de « marcher » sur l'eau, et certaines grenouilles ont une peau résistante à l'eau pour éviter la noyade. Certains oiseaux, comme les pingouins, ont des plumes très serrées et enduites d'huiles qui créent une surface superhydrophobe, leur garantissant de rester au sec dans les eaux glaciales et de conserver leur chaleur corporelle.
Reproduire les phénomènes naturels
Ces propriétés ont inspiré les équipes de chercheurs de Thales qui étudient comment reproduire ces phénomènes naturels. Ainsi, au centre de recherche et technologie du Groupe à Palaiseau, Julie Cholet et son équipe se concentrent sur des surfaces multifonctionnelles qui combinent des propriétés superhydrophobes avec d’autres fonctionnalités, comme les surfaces antireflets, inspirées par des insectes comme le papillon Greta oto aux ailes transparentes.
« Dans nos salles blanches, nous étudions les micro- et nano-fabrications. Les possibilités d’utilisation de ces surfaces sont très vastes, notamment dans les systèmes optiques utilisés dans les véhicules, explique Julie Cholet. Pour ces systèmes souvent équipés de caméras vidéo hautes performances, cela offre une solution durable car il n’y a pas besoin de maintenance. »
Grâce à ces technologies inspirées de la nature, l’équipe vise à améliorer les performances, la durabilité et la sécurité. Elles ont d’ailleurs déjà été testées sur le Gatekeeper, par exemple, un système de sécurité électro-optique équipé des caméras qui doivent fournir une visuelle continue à 360° dans des conditions environnementales difficiles. Avoir des surfaces durables et performantes capables de résister à une humidité extrême tout en conservant une fonctionnalité optimale offre à l’évidence un avantage opérationnel clé.
« La nature a développé ces propriétés au fil de l’évolution, souligne Julie Cholet. Nos premières recherches sur la superhydrophobicité remontent à une décennie, et nous obtenons déjà d’excellents résultats – mais ce n’est qu’un début ! »