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« La science nous aide à bâtir un monde plus sûr, plus respectueux de l’environnement et des sociétés plus solidaires »

La pression monte concernant les enjeux environnementaux et sociétaux. L’impact médiatique du dernier rapport du GIEC sur le climat, l’inquiétude croissante engendrée par la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes ou encore les discussions sur la future mise en place de la taxonomie1 européenne sont autant d’indices d’une opinion publique de plus en plus sensible à ces thématiques. Thales n’a pas attendu les récents événements pour prendre la mesure de ses responsabilités. Mais, pour Patrice Caine, Président-directeur général, le moment était opportun pour expliquer les grands axes de la stratégie RSE du Groupe, et annoncer les nouveaux objectifs qu’il a souhaité se fixer. 

Patrice Caine, quelle est pour vous la responsabilité d’un groupe comme Thales vis-à-vis des enjeux du développement durable ? 

Un grand groupe technologique mondial, un acteur économique aussi important que Thales doit évidemment se mobiliser et contribuer à relever les grands défis de notre époque. Nous avons une responsabilité vis-à-vis de la société dont nous sommes partie intégrante. Et nous disposons de moyens d’actions importants, notamment technologiques. 

J’irais même jusqu’à dire que contribuer à bâtir un monde plus durable fait partie de notre identité. C’est, après tout, ce que dit notre raison d’être, « Construire ensemble un avenir de confiance ». Et aujourd’hui tous les collaborateurs de Thales qui bénéficient d’une rémunération variable ont des objectifs RSE, ce qui représente tout de même 70 % des salariés.

Et c’est naturel car au-delà de ma conviction personnelle, je sais que ces préoccupations sont partagées par les collaborateurs du Groupe. Y compris les collaborateurs futurs ! Les jeunes diplômés, on le sait, sont particulièrement attentifs aux engagements des entreprises qu’ils envisagent de rejoindre.

Or, si nous ne sommes pas de ceux qui parlent le plus fort sur ces questions, je crois pouvoir dire que nous faisons partie depuis longtemps des plus vertueux de notre secteur, qu’il s’agisse de lutte contre le changement climatique, de conformité, de diversité et inclusion ou encore de santé et sécurité.

Concrètement, comment cette stratégie se traduit-elle ?

Nous avons axé notre stratégie sur trois piliers : œuvrer pour un monde plus sûr, plus respectueux de l’environnement et plus inclusif. Et il y a derrière cela des engagements chiffrés et précis. Sans vous inonder de chiffres, je vais vous donner les principaux objectifs. 

Concernant la lutte contre le réchauffement climatique d’abord, nous avions fixé des objectifs ambitieux en 2019, que nous décidons aujourd’hui d’accélérer. Ainsi, à horizon 2023, nous visons désormais 35 % de réduction de nos émissions directes par rapport à 2018, au lieu de 20 %. Et pour 2030, l’objectif est d’atteindre -50 % au lieu de -40 %. 

Cela nous permet d’être alignés sur une trajectoire de limitation du réchauffement à 1,5°C, et nous avons d’ailleurs décidé d’engager une démarche de certification SBTI2 en 2022 pour l’attester. Enfin, nous avons souhaité dès maintenant nous fixer une ambition pour 2040, celle d’atteindre le « net zéro ». Autrement dit, nous devrons, à cette date, avoir atteint un équilibre entre les émissions et les absorptions de CO2 afin d’avoir un bilan carbone à zéro. 

Voilà pour les objectifs environnementaux. Qu’en est-il des aspects sociétaux comme la diversité ou l’éthique ?

En termes de diversité, nous confirmons notre engagement d’avoir, d’ici 2023, au moins 75 % des comités de direction comprenant trois femmes a minima. A cette même date, nous devrons aussi avoir au moins 20 % de femmes aux plus hauts niveaux de responsabilité. Cela peut sembler encore trop peu mais nous sommes en avance sur notre secteur qui pâtit d’une représentation très insuffisante des femmes dans les filières d’ingénieurs. 

Sur le volet éthique, nous avons été l’une des toutes premières entreprises de notre secteur à recevoir la certification anti-corruption ISO 37001 en 2021. Et nous continuerons à appliquer une politique de tolérance zéro à cet égard, assortie d’une formation obligatoire tous les deux ans pour tous les salariés concernés. 

Enfin, nous avons aussi pris des mesures fortes pour la santé et la sécurité au travail de tous nos collaborateurs pour atteindre et, si possible, dépasser notre objectif de réduction de 30 % des accidents du travail en 2023 par rapport à 2018. 

Ces engagements reflètent votre dynamique interne. Mais qu’en est-il de vos activités, de vos produits et services ? Peuvent-ils jouer un rôle pour construire un avenir plus responsable ?

Absolument et c’est très important de le souligner : c’est par son activité même, par ses technologies, que Thales participe à la construction d’un monde plus sûr, plus respectueux de l’environnement, et plus inclusif.

Cela peut étonner certains, mais nos activités de défense font partie intégrante de notre contribution RSE. C’est une évidence qui vaut la peine d’être rappelée : la paix constitue un préalable indispensable à toute ambition de développement durable. Et je suis fier que Thales participe à la sécurité de nos concitoyens et à la protection des démocraties. Je sais que certains ont du mal à comprendre cela, mais je suis persuadé que défense et sécurité seront bientôt considérés comme des thématiques RSE à part entière. Certains indices vont dans le bon sens : le fait que la Commission européenne prévoie un investissement significatif pour construire l’Europe de la défense par exemple.

Ses détracteurs critiquent parfois l’opacité des entreprises de défense…

Oui et c’est très paradoxal car il s’agit de l’industrie la plus transparente et la plus encadrée qui soit. Nous ne pouvons vendre aucun équipement militaire sans une autorisation gouvernementale préalable. La réalité est aux antipodes des clichés sur les marchands d’armes aux pratiques obscures.

La sécurité physique est une chose, mais désormais nous avons aussi besoin de sécurité numérique…

Vous avez raison, les deux doivent aller de pair. La sécurité numérique constitue un préalable indispensable pour permettre au plus grand nombre de tirer parti des bienfaits des nouvelles technologies. C’est d’autant plus vrai que la numérisation de nos sociétés et la multiplication des objets connectés vont dans le sens d’une augmentation des menaces. Et là aussi Thales a un rôle primordial à jouer, notamment depuis l’intégration de notre activité Digital Identity and Security (ex-Gemalto) qui nous a projetés au premier plan mondial dans ce domaine. 

Vous avez évoqué les ambitions du Groupe en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais est ce que les technologies et les produits de Thales peuvent contribuer à lutter contre le changement climatique ?

Pour lutter contre le dérèglement climatique, la première étape est d’observer et de comprendre. Et Thales, avec son expertise et son leadership dans le domaine des capteurs et des satellites, y contribue directement. Pour ne vous donner qu’un exemple, nous sommes un acteur clé du programme européen Copernicus d’observation de la Terre et du climat. Ce programme va nous aider à mieux comprendre l’impact des activités humaines sur l’environnement, afin de concevoir les politiques publiques les plus adaptées.

Nous nous efforçons également de faire émerger des technologies plus frugales et plus durables. L’écoconception fait partie intégrante de tous nos développements. De ce point de vue, l’ambition écologique est d’ailleurs en parfaite cohérence avec nos enjeux business parce que les marchés que nous servons ont besoin de produits aussi légers, compacts et économes en énergie que possible. 

Certaines de nos innovations ont une contribution significative pour diminuer les émissions de nos clients : nos systèmes qui permettent d’optimiser les trajectoires de vol des avions devraient permettre de réduire de 10 % leur empreinte environnementale. Ce sont des gains considérables et qui ne nécessitent pas de renouveler les flottes ou d’attendre la production d’un nouveau moteur. On peut les obtenir à très court terme.

Même chose dans le numérique : nous avons fait le choix de développer des algorithmes frugaux, ou de nous orienter vers les smart data plutôt que vers les big data3, avec à la clé des besoins en puissance de calcul moins importants et, donc, une consommation énergétique moindre. 

Enfin, vous avez évoqué le rôle de Thales en faveur de l’inclusion. Mais le Groupe produit essentiellement des systèmes complexes pour des clients qui sont de grandes organisations, publiques et privées : États, entreprises, etc. En quoi pensez-vous que vous pouvez améliorer la vie quotidienne des habitants de cette planète ?

Je vous répondrai par deux exemples. Aujourd’hui plus d’1 milliard de personnes n’ont pas d’identité légale. En pratique, cela signifie qu’ils n’ont pas d’existence administrative, qu’ils n’ont accès à aucune prestation sociale, qu’ils ne peuvent pas voter etc. Avec nos solutions d’identité numérique et de biométrie, nous contribuons à agir contre cette situation et facilitons de manière très concrète l’accès à ces droits fondamentaux.

Autre exemple : la réduction de la fracture numérique. Certains des satellites de communications que nous construisons permettent de donner un accès à internet à des populations qui en sont privées. Et on a parfois tendance à l’oublier mais internet, avant d’être un outil ludique et commercial, c’est essentiellement une porte ouverte sur la connaissance. 

Comment pensez-vous que ces sujets vont évoluer à l’avenir au sein de Thales ?  

Ils vont évidemment continuer à monter en puissance. Et de nouvelles possibilités apparaîtront à mesure que nous développons de nouvelles technologies, car c’est sur elles que nous appuyons pour agir : celles d’aujourd’hui comme l’Intelligence artificielle ou celles de demain comme le quantique qui est porteur de beaucoup de promesses. Sur les trois objectifs que je vous ai indiqués, nous continuerons donc à avancer, à notre façon : avec modestie, avec persévérance et avec la conviction que c’est là que se trouve pour Thales la voie d’une croissance durable.
 

1 La taxonomie est un système de classification commun à toute l’Union européenne permettant d’identifier quelles activités peuvent être considérées comme durables et d’orienter les investissements vers ces activités. 

2 Le Science Based Target est une initiative d’experts internationaux qui permet d’évaluer, sur des bases scientifiques, si les évolutions des émissions de gaz à effet de serre d’un acteur économique sont compatibles avec l’objectif de limitation à 2°C ou 1,5°C de la température moyenne de la planète.

3 La plupart des nouvelles technologies basées sur l’analyse de la donnée sont d’autant plus énergivores que le volume de données stockées, traitées et transmises est important. Les approches de Smart Data consistent à se concentrer sur l’exploitation des données les plus utiles plutôt que sur des quantités massives d’informations.