A la suite des essais concluants menés l’année dernière en France, en Belgique, en Allemagne et en Italie, le système ACCS développé par ThalesRaytheonSystems sera déployé sur une quinzaine de sites en Europe au cours des trois prochaines années. Le premier site, en Italie, est entré en fonction cette année, pendant le week-end de Pâques. De nombreux systèmes de défense aérienne existants, tant nationaux que ceux couverts par l’OTAN, sont donc appelés à être remplacés par l’ACCS. Certains centres seront gérés par l’OTAN, d’autres resteront sous tutelle nationale.
Ayant nécessité l’écriture de 14 millions de lignes de codes, le système ACCS a été décrit comme le projet logiciel le plus complexe jamais imaginé. Il intègre des activités de défense qui comprennent la planification, l’attribution et le contrôle des missions aériennes, la surveillance de l’espace aérien, la gestion de l’espace aérien et la gestion des forces. Des capacités de défense antimissiles viendront compléter ce système d’ici à fin 2016, en intégrant aux opérations aériennes la détection et l’interception des missiles balistiques hyper véloces et des missiles de croisière plus lents.
« Avant l’ACCS, chaque pays disposait de son propre système. Les membres de l’Alliance bénéficieront désormais de capacités unifiées qui constituent une véritable révolution en matière d’opérations aériennes», Philippe Duhamel, PDG de ThalesRaytheonSystems.
« Après le 11 septembre, les gens ont compris qu’une meilleure réglementation de l’espace aérien, et bien sûr la souveraineté aérienne, étaient des conditions déterminantes pour la sécurité de chacun. Avec l’ACCS, chaque citoyen en Europe a l’assurance que l’espace aérien de son pays est protégé et qu’il se trouve raisonnablement à l’abri d’événements similaires. Nous avons développé un système opérationnel 24/24 et 7/7 qui accroît considérablement l’efficacité des forces aériennes prêtes à décoller.
Les forces aériennes ont l’obligation de planifier et de mener à bien ces opérations dans les meilleures conditions possibles. Avec l’ACCS, elles seront non seulement en mesure d’y parvenir plus rapidement, mais aussi de conduire des opérations beaucoup plus étendues. L’ACCS permet de prendre en charge un nombre d’avions beaucoup plus important que les systèmes qu’il va remplacer. »
L’ampleur de ce programme est sans précédent : de la Norvège, au nord, à la Turquie, à l’est, le réseau ACCS couvrira un territoire de plus de 10 millions de km2, avec 300 sites de surveillance aérienne connectés à plus de 40 types de radars différents. Le nouveau système sera également relié à environ 550 systèmes externes, avec 6 500 interfaces physiques. Les volumes considérables de données en temps réel générés par ces systèmes seront dirigés vers les stations de travail de quelque 1 500 spécialistes, la plupart du temps dans des bunkers répartis en Europe.
« La masse de données provenant des radars terrestres et aéroportés est énorme et très complexe. Dans certains cas, ce sont des radars 3D à longue portée les plus avancés dans le monde. Et à l’autre bout, nous avons des systèmes vieux de cinquante ans qui datent de l’ère soviétique ». Steve duMont, en charge des activités OTAN pour ThalesRaytheonSystems.

Changement de paradigme
Le réseau ACCS représente un bond en avant considérable, même pour les forces aériennes actuellement équipées des systèmes les plus modernes. Il s’appuie sur les communications numériques, plutôt que vocales, d’où des capacités de commandement et de contrôle plus rapides et aussi plus précises. « A titre d’exemple, avant le développement de l’ACCS, l’alerte initiale reçue par les forces aériennes françaises pour l’intrusion d’un avion en Europe de l’est, serait passée par une liaison téléphonique. »
Des gains d’efficacité similaires ont été obtenus dans la planification et l’exécution des opérations. Les détails d’une mission pouvaient précédemment prendre plusieurs à jours à un état-major, avant d’être transmis par fax aux unités opérationnelles. Avec l’ACCS, la planification et l’exécution sont intégrées dans un même système, et les informations transmises en temps réel.
« On peut exécuter un plan en l’espace d’une heure, en cliquant simplement sur une touche», explique Antoine Ollivier, directeur du Centre de Compétence en charge de l’approvisionnement des ressources utilisées pour développer l’ACCS.« Autrefois, la diversité des systèmes limitait les capacités des forces de l’OTAN à opérer ensemble. Avec l’ACCS, le niveau d’interopérabilité devient extrêmement élevé. »
Cette interopérabilité signifie que les défenses aériennes européennes seront beaucoup plus résilientes dans l’avenir. Une partie du système sera, par exemple, en mesure de prendre le relais en cas de défaillance d’un autre segment, mais il sera également possible d’orchestrer les défenses du pays à partir d’une autre nation, si besoin est.
Le degré d’intégration possible avec un seul système utilisant par exemple la Liaison 16 de l’OTAN pour assurer l’interface des données temps réel avec les aéronefs, les systèmes d’armes et d’autres capacités, aura probablement un impact important sur les coûts.
« C’est ce que l’OTAN appelle la défense intelligente. Il s’agit de mutualiser les ressources pour parvenir à un pool opérationnel commun», décrypte pour nous Steve duMont. «Autrement dit, nous avons un système unique maintenu en condition opérationnelle par un service unique, avec un pool commun de rechanges et de sites pour l’entraînement opérationnel. »
La standardisation présente également l’avantage d’alléger la formation des opérateurs en leur permettant d’utiliser le système dans différents pays, sans instruction supplémentaire. Les responsables militaires de l’OTAN étudient la possibilité d’établir un centre de formation pouvant servir à l’ensemble des nations concernées.
L’utilisation de standards ouverts pour le développement de l’ACCS sera également une source d’économies. Ces standards permettront aux clients de choisir les fournisseurs, en associant les équipements provenant de différentes sources. Raison pour laquelle plusieurs fournisseurs ont travaillé sur ce projet de 1,2 milliard d’euros, outre le maître d’œuvre, ThalesRaytheonSystems.
Un système complet
L’ACCS comprend deux éléments étroitement intégrés. D’un côté, un système d’exécution de mission en temps réel, l’ARS, qui combine les volets Air Control Centre (ACC), Recognised Air Picture (RAP), Production Centre (RPC) et Sensor Fusion Post (SFP). L’ARS relie des postes qui recueillent les données, avec les systèmes qui génèrent l’image opérationnelle du champ de bataille, afin de diriger au mieux les forces aériennes de l’OTAN.
Nous avons ensuite des centres d’opérations aériennes combinées (CAOC) pour les activités ne nécessitant pas de composante en temps réel, comme la planification, l’attribution et le suivi des missions. L’efficacité de l’ACCS est grandement facilitée par la base de données commune à l’ARS et aux CAOC.
« Nous sommes parvenus à gérer les contraintes divergentes de la base de données, dues à son utilisation par ces deux types de systèmes », Lionel Eloy, directeur technique pour les opérations de ThalesRaytheonSystems en France.
Les CAOC sont compatibles avec le concept de boucle OODA (observer, orienter, décider, agir) qui implique une observation continue et une réaction aux événements plus rapide que celle de l’ennemi, dont l’objectif est de provoquer la confusion chez l’adversaire, et donc la désorganisation de ses propres plans.
« La réévaluation dynamique de la boucle OODA n’est généralement ni continue ni automatique, et requiert donc une intervention manuelle. Tout cela sera beaucoup plus fluide avec l’ACCS dans la mesure où, s’il survient un événement particulier et qu’il faut modifier les plans, on dispose d’une base de données dans laquelle va s’écrire la planification de la mission, et dans laquelle il sera possible de lire le contrôle de cette mission. »
Des versions déployables des deux composantes de l’ACCS ont également été développées pour aider les membres de l’OTAN à intervenir hors du contexte européen.
La création de la société commune franco-américaine a également été un atout déterminant pour le développement du système ACCS.
« Travailler des deux côtés de l’Atlantique n’est pas toujours simple, mais nous n’aurions pu développer l’ACCS sans cette collaboration entre la France et les États-Unis », Philippe Duhamel.
Pour assurer un équilibre adéquat, chaque partenaire dispose d’un nombre égal de membres au conseil d’administration, et la présidence échoit successivement au PDG de chacun des deux partenaires.
Thales était initialement responsable du volet temps réel du projet, son associé américain se réservant les aspects de l’ACCS n’intégrant pas les contraintes du temps réel. En 2010, les deux partenaires ont combiné leurs efforts pour finaliser le système.
« Le grand projet imaginé consistait à développer un système unifié pour contrôler l’ensemble de l’espace aérien militaire, en mobilisant toutes les ressources disponibles – aéronefs, systèmes d’armes, personnels. La collaboration franco-américaine nous a permis d’y parvenir en nous appuyant sur l’expertise respective de deux des principaux acteurs mondiaux en matière de technologies militaires, notamment dans la défense antiaérienne et la défense antimissiles », Steve duMont.

Tournés vers l’avenir
La phase de développement principale parvenant à son terme, ThalesRaytheonSystems porte maintenant son attention sur les contrats qui permettront d’installer des sites de réplication, et d’aider les nations concernées par l’ACCS à assurer leur transition vers le nouveau système. Le partenariat permettra également d’ajouter des capacités nouvelles, notamment une composante de défense antiaérienne et antimissiles intégrée. La vente de systèmes dérivés de l’ACCS est également envisagée hors de l’OTAN, par exemple au Moyen-Orient.
« Notre réussite est triple, se félicite Philippe Duhamel. Nous avons développé un système de très grande ampleur ; nous avons mis sur pied, avec le succès que l’on sait, une collaboration franco-américaine et, enfin, nous avons su gérer notre organisation interne de manière efficace. »
Depuis l’attribution du contrat en 1999, la société a dû faire face à de nombreuses difficultés, qu’il s’agisse de faire évoluer les spécifications ou de prendre en compte des technologies en rapide développement. Gérer au mieux le travail des quelque 800 ingénieurs et techniciens affectés au projet n’a pas été la moindre des défis.
ThalesRaytheonSystems a adopté un mélange de techniques de développement classiques en matière de logiciels et de méthodologies plus récentes consistant notamment à répartir les tâches en petits modules, avec suivant constamment les progrès réalisés et en testant régulièrement les codes.
« Le système ACCS a maintenant une longue histoire derrière lui, et les difficultés ont été nombreuses sur sa route. Mais tout cela est maintenant derrière nous : l’ACCS entre en service auprès de l’OTAN à un moment où les pays de l’Alliance en ont vraiment besoin, conclut Steve duMont. Et ThalesRaytheonSystems est particulièrement fier d’être un acteur clé de ce programme majeur. »
Points clés
L’ACCS intègre toutes les capacités, de la planification de mission à la surveillance de l’espace aérien et à la gestion des forces aériennes.
Ce système unique peut être utilisé pour contrôler l’ensemble des ressources sur le théâtre d’opérations – aéronefs, carburant et personnels.