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« Une conception du numérique au service de l’humain »

A l’occasion de la semaine du développement durable, Thales réédite sa charte éthique du numérique, qui précise 10 grands engagements du groupe en la matière. Raphaël de Cormis, VP innovation et transformation numérique et PDG de la Thales Digital Factory, revient sur le contexte et la vision qui orientent les développements digitaux du groupe. 

La révolution numérique est une chance pour un nombre incalculable de domaines. Mais elle a aussi généré son lot d’inquiétudes, de fantasmes. Pourquoi est-il important de développer une approche plus éthique et responsable du digital ?

Le bouleversement majeur induit par le développement du numérique dans nos activités et la place que ce dernier a pris dans nos vies quotidiennes se sont accompagnés de la construction d’un imaginaire fort, parfois proche de la science-fiction, où ces nouveaux espaces virtuels fascinent tout autant qu’ils inquiètent. Un constat qui est aussi lié au fait que le numérique plonge en grande partie ses racines dans un contexte culturel “californien”, empreint de libertarisme et d’esprit de transformation, avec cette idée que la révolution du digital doit faire bouger les lignes fort et vite. Les récents débats sur les géants du numérique, vus comme des hydres incontrôlables dévorant tout sur leur passage, peuvent donner l’impression que ce nouveau monde ressemble davantage à une jungle qu’à un espace régulé et propice à l’épanouissement de tous. Cela est accentué par l’embrasement des réseaux sociaux et le combat des institutions pour réguler leurs contenus. Contre cette vision des choses, nous pensons au contraire que la sphère numérique est tout à fait propice au déploiement d’une approche rationnelle, reposant sur des fondements scientifiques et éthiques, et adaptée à nos valeurs européennes héritées des Lumières. En ce sens, la construction d’un numérique “responsable”, qui enrichit l’humain au lieu de l’asservir, améliore nos conditions de vie, et qui respecte le cadre qui lui a été fixé nous paraît non seulement souhaitable, mais surtout nécessaire. 

Thales n’a pas attendu 2022 pour se pencher sur les questions d’éthique associées au numérique. Pourquoi se doter d’une charte précisément maintenant ? 

Naturellement, dès lors que nous avons commencé à mettre les technologies digitales au service de nos projets, nous nous sommes interrogés sur les meilleures manières d’encadrer ces dernières. Nous avons ainsi développé, par expérience, un grand nombre de process, et multiplié les réflexions sur les bons usages du numérique. Par exemple, nous avons exploité très tôt le potentiel du numérique pour réduire la taille, le poids et la consommation énergétique (ou « SWaP ») des équipements embarqués, et nous n’avons cessé de progresser en la matière. Ces bonnes pratiques se sont développées partout dans le groupe, mais sans forcément de fil conducteur pour les unifier. La première raison pour laquelle il nous semblait urgent d’imaginer une charte était donc de structurer entre elles toutes ces initiatives, en leur fixant un cap, une ligne de mire, que l’on pourra ensuite décliner sous la forme d’indicateurs, d’exigences. 

L’autre grande raison d’être de cette charte est qu’elle permet à Thales de réaffirmer publiquement son engagement dans la construction d’un numérique plus éthique et plus écologique. Dans l’écosystème entrepreneurial dans lequel évolue Thales, les questions associées à la RSE font, de plus, l’objet d’un intérêt croissant. On reçoit désormais des demandes de clients où les critères ESG prennent plus de place que les critères techniques à proprement parler ! Construire ce monde dans lequel on peut avoir confiance, auquel nous aspirons, passe nécessairement par un engagement fort pour un numérique responsable.

De quelles façons les outils numériques peuvent-ils nous aider face aux défis qui nous attendent ?

Il y a deux grands défis que nous ne pourrons pas relever sans une approche responsable du numérique. Le premier est relatif à la stabilité sociale. Pour l’ensemble des activités humaines allant vers la numérisation, qu’on pense aux systèmes de communication, de transactions financières, et même à des actes citoyens, comme le vote ou l’identité, nous avons besoin de systèmes robustes, fiables et stables, aussi bien dans la sphère numérique que dans le monde physique. Et pour cela, il faut être dans l’anticipation permanente. Thales est très bien positionné en matière de recherche fondamentale sur ces sujets. Nous contribuons activement à la sécurisation des systèmes bancaires, en protégeant 80% des transactions qui s’effectuent dans le monde, que ce soit en termes de données ou d’identité numérique. Et nous développons dès aujourd’hui de nouveaux algorithmes qui permettront de garder ce niveau de sécurité dans le futur proche, lorsque l’ordinateur quantique et une nouvelle forme de cryptographie verront le jour. 

Autre exemple, dans le monde de l’intelligence artificielle cette fois-ci, qui a fait des progrès spectaculaires ces dernières années. Pour augmenter les performances humaines en pilotant efficacement les données, Thales veille à développer des solutions explicables, capables d’éviter les biais algorithmiques, et de traiter sur un pied d’égalité tous les usagers. C’est notamment le cas avec nos systèmes de biométrie s’appuyant sur des technologies de reconnaissance faciale. 

L’autre grand défi majeur qui ne pourra se passer d’une approche responsable du numérique, c’est évidemment l’environnement, domaine dans lequel Thales s’engage au travers de très nombreux projets.  

Justement. Pouvez-vous nous donner quelques exemples d’actions écologiques concrètes, à l’heure où s’ouvre la semaine européenne du développement durable…

Le numérique est d’abord une formidable chance de réduire l’empreinte carbone de nos activités. C’est ce que nous avons constaté en faisant migrer vers le cloud une partie de nos systèmes d’information, avec à la clé des réductions allant jusqu’à 88% de la consommation électrique initiale. Nos partenaires cloud ont par ailleurs été choisis pour leur politique d’achat d’énergie verte. De même, dans le secteur de l’aéronautique, qui représente une part d’activité majeure pour Thales, nous avons déployé tout un ensemble d’outils numériques qui nous permettent d’optimiser les plans de vol et le contrôle aérien, de limiter les traînées de condensation (ces nuages de vapeur d’eau qui se forment en altitude à l’arrière des réacteurs, et ont un impact non négligeable sur le climat NDLR), et de construire un “cockpit intelligent” et plus soucieux de son impact environnemental. 

L’autre grand avantage écologique du numérique est qu’il va nous permettre de développer des produits et des services plus respectueux de l’environnement, et ce dès la phase de conception. En utilisant des matières premières moins polluantes, en imposant une traçabilité sur toute la chaîne logistique, en ayant recours à des jumeaux numériques pour simuler et anticiper le cycle de vie et l’impact possible des produits et services, nous faisons ainsi progresser le bilan écologique global de tous nos nouveaux produits. Ces réflexes, pour une entreprise comme Thales habituée à travailler sur des projets de long terme, avec des fortes exigences de réparabilité et de maîtrise des cycles de vie, étaient de l’ordre de la logique. Mais nous voulons aujourd’hui en faire plus que des bonnes pratiques rationnelles, et les systématiser, en faire de nouvelles normes à la base de tous nos designs. Une approche d’écoconception dans laquelle le numérique joue un rôle central.