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Comment l’intelligence artificielle peut-elle contribuer à bâtir un avenir plus respectueux de l’environnement ?

Au cours des dernières décennies, l’intelligence artificielle (IA) est passée du statut de science-fiction à celui de réalité scientifique. Elle fait désormais partie intégrante de notre présent et nous voyons déjà ses effets à différents niveaux, que ce soit sur le lieu de travail, sur l’économie ou encore sur les technologies que nous utilisons au quotidien. Mais qu’en est-il de son impact sur l’environnement ? Comment pouvons-nous tirer parti de l’IA pour bâtir un avenir plus durable et plus respectueux de l’environnement ?

L’IA est depuis longtemps une source d’inspiration pour les auteurs de fiction, que ce soit dans la littérature (romans, BD) ou au cinéma (2001 : L’Odyssée de l’espace, Matrix ou encore Terminator). Pour accroître l’effet dramatique et entretenir le suspense, l’IA dépeinte est le plus souvent malveillante, les machines ayant pour objectif de conquérir le monde voire, comme cela est le cas dans Matrix, de devenir le monde. 

Bien que cette IA soit fictive, les craintes exprimées sont, quant à elles, bien réelles. En 1961, le magazine Life a publié un article intitulé « The Machine Are Taking Over: Computers Outdo Man At His Work - And Soon May Outthink Him » (Les machines prennent le pouvoir : les ordinateurs surpassent l’être humain dans ses tâches professionnelles - et pourraient bientôt triompher de son intelligence), qui décrivait des machines capables non seulement d’effectuer des tâches analytiques et de prendre des décisions dans le monde des entreprises et de l’industrie, mais aussi d’apprendre par elles-mêmes.

En 2023, ces machines existent bel et bien. Cependant, loin de menacer l’humanité comme on le craignait il y a 60 ans, elles apportent désormais une contribution inestimable à notre vie quotidienne. Dans ce contexte, en quoi l’IA peut-elle spécifiquement nous aider à relever les défis environnementaux ? 

Dans cet article, nous allons étudier six domaines dans lesquels l’intelligence artificielle peut avoir un impact direct et positif sur l’environnement.

Un ciel plus dégagé

Le système de gestion de vol PureFlyt de Thales est un excellent exemple de ce qui peut être fait. Il utilise en effet l’IA pour optimiser les trajectoires des avions et ainsi réduire à la fois la consommation de carburant et la pollution sonore, l’objectif étant de réduire de 10 % les émissions de CO2 des avions d’ici 2023. Egalement utilisée lors des essais en vol, l’IA a permis de simuler quelque deux milliards de scénarios et de cumuler l’équivalent de 100 millions d’heures de vol.

En outre, des recherches sont en cours sur la façon d’utiliser ces trajectoires assistées par l’IA pour réduire l’impact environnemental des traînées de condensation des avions en faisant voler ces derniers à une altitude légèrement inférieure, et pour favoriser les approches d’atterrissage en descente progressive plutôt que par paliers : deux mesures qui pourraient contribuer à réduire la consommation de carburant et la pollution atmosphérique.

L’IA a également un impact positif sur la gestion du trafic aérien, qui va devoir faire face non seulement aux avions traditionnels, mais également à l’augmentation du nombre de drones dans le ciel. Au lieu de remplacer les êtres humains, Thales estime que l’IA renforcera leurs capacités en les libérant des tâches répétitives à faible valeur ajoutée, leur permettant ainsi de se concentrer sur des aspects plus critiques où l’intervention humaine est vitale.

Cette approche centrée sur l’humain permettra une gestion plus sûre et plus efficace de l’espace aérien. Parallèlement à cela, les capacités prédictives avancées de l’IA permettront de réduire les retards, aussi bien en vol qu’au sol, ce qui se traduira par une réduction de la consommation de carburant et, de facto, de l’empreinte carbone du secteur aérien.

L’observation du climat

L’IA a également un rôle vital à jouer dans l’observation et la compréhension des phénomènes climatiques, deux aspects essentiels pour lutter contre le changement climatique. Son application la plus évidente est l’augmentation des capacités de traitement des images satellites, pour une meilleure analyse et prédiction des phénomènes climatiques.

Thales participe à cet effort, notamment dans le cadre du programme européen Copernicus d’observation de la Terre et de surveillance du climat, qui contribue à mieux comprendre l’impact environnemental de l’activité humaine.

La mobilité verte

Face aux enjeux environnementaux, l’apport de l’IA ne se limite pas à ce qui se passe dans le ciel et au-dessus. En effet, Thales a également développé des systèmes complexes et éco-responsables pour le transport ferroviaire, qui exploitent l’IA basée sur l’apprentissage et la connaissance et qui consomment moins d’énergie.

Les systèmes d’aide à la conduite et de gestion du trafic, ainsi que les systèmes de gestion du fonctionnement automatique des métros et des trains autonomes optimisent la consommation énergétique grâce à des stratégies de conduite soigneusement définies et au calcul en temps réel des courbes d’accélération et de freinage optimales.

Ces systèmes permettent également d’anticiper les incidents sur le réseau, réduisant ainsi les arrêts inopinés des trains causés par des obstacles sur la voie. Les systèmes de supervision des gares analysent également la consommation d’énergie en temps réel, grâce à des capteurs qui déterminent les besoins précis en énergie en fonction des flux de passagers, garantissant ainsi l’adéquation entre la consommation d’énergie et les besoins.

La consommation énergétique et l’IdO

Là où l’IA prend tout son sens, c’est face à ce que Gregor Pavlin, responsable de programme et maître de recherche chez Thales Research & Technology, appelle les « wicked data », en d’autres termes les « données perverses ». Les systèmes modernes, notamment dans le domaine de l’IdO (Internet des objets), collectent d’énormes quantités de données de toutes sortes. Généralement, ces données sont traitées dans un ordinateur central ou dans le cloud, puis les résultats sont renvoyés à l’application sur le terrain : une méthode qui non seulement soulève des problèmes de sécurité, mais s’avère en outre peu efficace en termes de coûts et d’énergie. 

Grâce à son expertise, Thales a développé une plateforme permettant l’intégration simple d’algorithmes d’IA distribués sur le terrain, qui traitent la plupart des données à proximité de l’application - ce que l’on appelle l’edge computing - et ne transfèrent que les résultats du traitement, conservant les données derrière un pare-feu sécurisé et réduisant ainsi considérablement la consommation d’énergie. 

La pensée latérale : l’éco-conception et l’IA frugale

La technologie durable ne se limite toutefois pas aux effets visibles, tels que la réduction de la consommation d’énergie ou des émissions de carbone. Il s’agit également d’examiner l’ensemble des processus - de la conception à l’exploitation - pour voir où il est possible d’apporter un véritable changement. Selon Gregor Pavlin : « Nous cherchons également à évoluer vers des technologies plus frugales et plus durables. L’éco-conception joue un rôle clé dans tous nos développements. »
 

Expert dans le développement de solutions d’aide à la décision critique, Thales est la première entreprise à développer une IA « frugale » basée sur des algorithmes peu gourmands en énergie. Ses chercheurs donnent la priorité à l’IA symbolique ou hybride basée sur la connaissance, une approche bien plus économe en énergie. Privilégiant la qualité à la quantité, l’attention se porte aujourd’hui sur les Smart Data plutôt que sur les Big Data, ainsi que sur l’amélioration de la conception et de la mise en œuvre de l’électronique pour proposer des circuits très peu énergivores.

L’IA de demain : le calcul neuromorphique

Quelle sera la prochaine grande innovation ? Bien qu’il n’en soit encore qu’à ses balbutiements, le calcul neuromorphique pourrait être la technologie qui révolutionnera complètement l’IA

Thales est à la pointe de la recherche dans ce domaine, notamment grâce au travail de pionnier réalisé par l’équipe de l’unité mixte de physique constituée entre le CNRS et Thales à Palaiseau. Julie Grollier, Directrice de recherche, explique : « Aujourd’hui, la plupart des gens s’intéressent à l’IA du point de vue des algorithmes. Ces algorithmes permettent de résoudre un problème ou d’obtenir un résultat. Certes, ils s’inspirent du cerveau et de ses réseaux de neurones mais il s’agit de réseaux de neurones virtuels qui fonctionnent grâce à des puces classiques. »

« A l’inverse, une puce neuromorphique reproduit physiquement un réseau de neurones. Voilà ce qui m’intéresse : m’inspirer de la façon dont le cerveau est organisé et structuré - et tout particulièrement de l’organisation des réseaux de neurones en couches de neurones successives dans le cortex - pour réaliser des processeurs qui vont faire tourner ces algorithmes de manière très efficace avec une énergie bien plus faible. »