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Explorer l’espace pour préparer l’avenir sur Terre

L’exploration spatiale n’est pas la manifestation d’une hubris humaine motivée par le seul désir de conquérir de nouveaux territoires pouvant servir de futures terres d’accueil à l’humanité ou à nous enrichir. Si nous prenons le risque de nous aventurer au-delà des frontières terrestres, c’est aussi pour en apprendre davantage sur nous-mêmes et notre planète, améliorer notre quotidien sur Terre avant, peut-être, d’inventer ou de trouver un nouveau futur pour nos enfants, comme nous l’explique Walter Cugno, vice-président Exploration et Science chez Thales Alenia Space.

 

Pourquoi consacrer des sommes colossales à l’exploration de l’espace et à des missions vers des astres où, pour la plupart, l’Homme n’ira jamais ? 

Je vous répondrai par cette citation de Goethe : « Si tu veux progresser vers l’infini, explore le fini dans toutes les directions ». L’espace est, tout d’abord, un extraordinaire « terrain de jeu » pour les scientifiques, une source inépuisable d’enseignements qui contribuent à répondre à des questions existentielles relatives à l’origine du monde et à notre place dans l’univers.

Grâce à l’exploration spatiale, nous pouvons tester et valider - ou invalider - des théories scientifiques élaborées sur Terre. C’est en étudiant le système solaire que l’on a pu mieux comprendre, par exemple, les phénomènes de gravité, de magnétosphère, l’atmosphère, la dynamique des fluides et l’évolution géologique des planètes du système solaire.

Aujourd’hui, les scientifiques s’intéressent particulièrement à la matière et l’énergie noires, pour comprendre leur rôle dans la masse cachée et l’expansion de l’univers qui s’accélère. C’est notamment la mission du programme Euclid1 de l’Agence spatiale européenne (ESA).

Mais l’exploration spatiale a-t-elle des retombées plus concrètes ? 

De nombreuses innovations résultent de l’exploration spatiale, dans les domaines des métaux, des alliages, de la biologie, de la médecine… Certaines applications font déjà partie de notre quotidien comme les objets en céramique dans nos cuisines, les systèmes de purification de l’air, les détecteurs de fumée ou encore les verres anti-rayures.

Les conditions propres à l’espace et difficiles à répliquer sur Terre permettent de tester et de développer des matériaux à partir desquels sont créés des produits plus légers, plus résistants, plus performants. L’une des expériences menées par l’astronaute Thomas Pesquet, à bord de la Station spatiale internationale (ISS2), a consisté à tester des revêtements innovants empêchant les bactéries de proliférer, avec des applications potentielles considérables en matière de santé et d’hygiène publiques : hôpitaux, transports publics ou industrie alimentaire. A l’heure de la pandémie de la Covid-19, vous imaginez bien l’importance de ces recherches…

Laissez-moi vous donner un autre exemple concret. Au cours des missions de longue durée,  les astronautes mettent leur organisme à l’épreuve, et même à rude épreuve :  perte de masse musculaire, de densité osseuse, usure accélérée du système sanguin… Leur suivi, aussi bien pendant leur mission qu’à leur retour sur Terre, permet d’étudier les effets du vieillissement et de faire avancer la recherche sur des maladies comme l’ostéoporose.

Enfin, grâce à l’expérience que nous avons acquise en matière de modules pressurisés et d'infrastructures orbitales, nous travaillons sur un module habitable susceptible d’être déployé dans des zones éloignées ou hostiles : bases polaires, camps désertiques, avant-postes militaires, plateformes d’exploitation pétrolière et gazière...
 

 
L’espace est donc un formidable laboratoire d’innovations…

Absolument. Mais pas que... L’exploration spatiale contribue également à répondre aux grands enjeux sociétaux qui sont les nôtres sur Terre. L’espace nous éduque sur nos responsabilités vis-à-vis de la Terre et de ses ressources. 

Comment cela ?

Les astronautes doivent survivre avec une quantité limitée de nourriture, de matières premières, de soleil, d’énergie, d’eau et d’oxygène. L’eau consommée à bord de l’ISS, par exemple, est issue, dans sa grande majorité, d’urines et d’eaux usées recyclées. Il a donc fallu développer de nouvelles techniques permettant de vérifier qu’elle est parfaitement potable.

En 2015, le vaisseau ravitailleur Cygnus3 emportait une imprimante 3D pour la tester dans un environnement zéro gravité ; à terme, elle pourrait permettre aux astronautes de réaliser eux-mêmes, in situ, les pièces de rechange dont ils auront besoin. Le mois dernier, un vaisseau Cygnus a ravitaillé la station en nourriture, eau, oxygène, carburant et pièces de rechange. Mais il a également apporté dans ses soutes le matériel nécessaire pour tester un médicament qui pourrait être utilisé pour traiter la leucémie. Toutes ces expérimentations réalisées par les astronautes dans la station serviront dans un proche avenir, et pas uniquement dans le domaine médical.

Un autre projet, EDEN ISS, vise, quant à lui, à fournir de la nourriture dans la Station spatiale internationale et, à plus long-terme, dans les véhicules d’exploration spatiale et les avant-postes planétaires, en cultivant des plantes comestibles dans un environnement extra-terrestre.

Les voyages dans l’espace sont ainsi une formidable occasion de tester la mise en œuvre d’une économie circulaire. Inspirée par l’expérience des astronautes, l’humanité peut apprendre à économiser les ressources dont elle dispose.
 

 

L’espace fait rêver, les enfants comme les adultes. Depuis des décennies, les voyages intersidéraux et la vie extra-terrestre nourrissent l’imaginaire des écrivains et des cinéastes. Et de toutes les planètes, Mars est celle qui les envoûte sans doute le plus.  Un scientifique comme vous est-il aussi sensible à cet aspect onirique ?

Bien sûr et heureusement. Enfant, je rêvais comme tant d’autres de voyages dans l’espace en regardant les étoiles briller au-dessus de ma tête les soirs d’été. Ma chance a été de faire de ma passion un métier. 

Je ne sais pas si nous vivrons un jour sur Mars et si la réalité rejoindra bientôt la (science-) fiction et confirmera ou non les récits d’Alexis Tolstoï, Isaac Asimov, Philip K. Dick ou Ray Bradbury. La planète rouge fascine, peut-être parce qu’elle serait la plus proche à pouvoir nous accueillir… Enfin, au terme de sept à neuf mois de voyage tout de même… Quoi qu’il en soit, cette fascination fait progresser nos connaissances à grands pas.

Ainsi, dans le cadre du programme ExoMars4, l’orbiteur traceur de Gaz (TGO) étudie depuis plusieurs années les gaz présents dans l’atmosphère martienne pour tenter de détecter des traces de méthane, composant essentiel à la vie, et de déterminer ensuite s’il est d’origine biologique ou géologique. Le TGO  sert également de relais de communications entre Mars et la Terre. En 2022, un vaisseau partira pour un voyage de sept mois à destination de Mars avec pour mission d’y faire atterrir un rover qui y cherchera des traces de vie passée.

Quant à la mission Mars Sample Return5 , coopération internationale pilotée par la Nasa, elle rapportera sur Terre des échantillons de la planète rouge.  

Autant de missions dans lesquelles le groupe Thales est fortement impliqué…

En effet. Via notamment Thales Alenia Space, détenu à 67% par Thales et à 33 % par Leonardo, Thales est un partenaire incontournable des plus fantastiques missions d’explorations spatiales à travers le système solaire. Nous développons des technologies qui permettent aux astronautes d’être autonomes pendant ces missions habitées de longue durée – plus de six mois aujourd’hui à bord de l’ISS, plusieurs années demain en cas de missions habitées à destination de l’espace lointain comme Mars. 

Mais nous ne nous intéressons pas qu’à Mars. La Lune représente également un intérêt stratégique majeur car elle servira de base avancée permettant d’anticiper des missions habitées à destination de l’espace lointain. Grâce à sa grande expérience dans le domaine des infrastructures orbitales, de la robotique, du transport spatial et de l’exploration, Thales Alenia Space est devenu un acteur de tout premier plan, fournissant notamment trois modules pressurisés à bord de Gateway, la future station spatiale cislunaire. Gateway constitue l’un des piliers du programme Artemis de la Nasa qui vise à faire revenir des hommes sur la Lune en 2024.

Nous fournissons également l’ossature du vaisseau spatial qui emmènera le prochain homme - et la première femme - sur la Lune. Nous travaillons également sur un véhicule d’alunissage innovant et de futures solutions qui permettront d’assurer une présence humaine permanente sur la Lune.

L’espace vous fait donc toujours rêver ?

Et comment ! Comprendre l’habitat qui serait le nôtre sur d’autres planètes, comprendre nos propres systèmes biologiques, nos matériaux, la manière dont ils se comportent en dehors de l’influence de la gravité, ce sont des sujets passionnants, des questions cruciales pour notre avenir auxquelles l’exploration spatiale va nous aider à répondre. 
 

 

 

Euclid est une mission scientifique menée par l’Agence spatiale européenne (ESA). Thales Alenia Space en est le maître d’œuvre. 

La Station spatiale internationale (ISS) est le fruit de la collaboration internationale entre cinq agences spatiales : NASA (Etats-Unis), Roscosmos (Russie), JAXA (Japon), ESA (Europe) et CSA (Canada). Thales Alenia Space réalise 50 % du volume pressurisé de l’ISS, soit 40 % de la station spatiale dans son intégralité. 

Les vaisseaux Cygnus sont destinés à ravitailler les astronautes régulièrement en vivres, eau, pièces de rechanges et expériences scientifiques. Thales Alenia Space a la responsabilité de la réalisation du module cargo pressurisé de l’ensemble des vaisseaux ravitailleurs Cygnus. 

ExoMars 2022 est un programme conduit en coopération internationale entre l'ESA (agence spatiale européenne) et Roscosmos (agence spatiale russe) avec des contributions de la Nasa. Son but est d’étudier l’atmosphère, l’environnement et le sol de Mars. L’analyse de l’énorme moisson de données récoltées devrait ensuite prendre des années. Thales Alenia Space est maître d’œuvre des missions Exomars (2016 et 2022) et conduit un consortium industriel.

Cette mission récoltera des échantillons du sol martien et les rapportera sur Terre en 2031. Thales Alenia Space participera à l’orbiteur de retour sur Terre, un élément clé de la mission.