"Les enjeux techniques et technologiques sont indissociables des enjeux environnementaux"

La technologie peut-elle être une solution à la préservation de l’environnement ?

Anne-Brigitte Spitzbarth / Les enjeux techniques et technologiques sont indissociables des enjeux environnementaux. Aujourd’hui, face à l’impératif climatique, il ne s’agit pas seulement de revoir nos modes de vie, notre rapport à la nature, voire notre organisation sociale, mais aussi de développer rapidement des solutions concrètes : énergies renouvelables, serveurs digitaux à énergie passive, ou encore approche plus « frugale » de la conception de nos produits et systèmes.

Anne-Brigitte Spitzbarth / Nous avons fait de l’éco-conception un principe clé : la plupart de nos nouveaux produits intègrent des critères de sobriété et de réduction du SWaP (Size, Weight and Power – taille, poids et consommation d’énergie), notamment en « miniaturisant » nos solutions et en les adaptant à des plateformes plus légères.

Comment allier technologie et environnement tout au long de votre chaîne de valeur ? 

Anne-Brigitte Spitzbarth / En tant que donneur d'ordre, nous sensibilisons nos fournisseurs aux enjeux du changement climatique et les incitons à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Surtout, nous travaillons ensemble pour concevoir des produits et solutions innovantes qui répondent aux besoins de nos clients en leur permettant de réduire leur empreinte environnementale.

À titre d’exemple, je peux citer le développement de nouvelles solutions pour l’aviation – un secteur qui compte pour la majeure partie des émissions liées à l’usage de nos produits. Thales propose ainsi une plateforme collaborative, Green Flag, qui aide le contrôle aérien à identifier les espaces favorables aux opérations ayant un moindre impact négatif sur l’environnement sur la base de la trajectoire, de l’altitude et de la vitesse des aéronefs et de les communiquer aux pilotes en cours de vol.

Ou encore, le travail qui a été fait avec la Driver and Vehicle Licensing Agency (DVLA) du gouvernement britannique pour réduire l'empreinte carbone de ses permis de conduire, de ses cartes tachygraphes et de ses cartes de séjour. Depuis 2018, Thales a réduit de plus d'un tiers les émissions de CO2 associées aux 12 millions de cartes que le Groupe fournit annuellement à la DVLA, sans compromettre la sécurité, la durabilité et la qualité.

Quels sont les axes de recherche de Thales à fort potentiel environnemental ?

Anne-Brigitte Spitzbarth / La prise en compte des enjeux environnementaux est intégrée à notre démarche d’innovation. La poursuite de nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre comme le développement de solutions plus respectueuses de l’environnement font partie intégrante de nos activités de recherche.

Thales est par exemple très actif dans le développement de la fusion nucléaire par laser, qui ouvre des perspectives inédites à long terme : une énergie bas-carbone, sécurisée et produisant peu de déchets radioactifs. Nous opérons déjà le laser le plus puissant du monde dans le cadre du projet ELI-NP en Roumanie et, à cet effet, nous avons créé l’entreprise GenF en 2024 avec le soutien du CEA, du CNRS et de Polytechnique afin de déployer un avant-projet d'ici 2027 et un démonstrateur industriel d'ici 2050.

De la même manière, alors que l’impact environnemental de l’IA est parfois souligné de manière négative, nous voyons qu’elle peut aussi constituer un outil précieux de la transition environnementale : pour poursuivre avec l’exemple du secteur aérien développé plus tôt, Thales déploie depuis 2024 une solution fondée sur l’IA en collaboration avec la compagnie aérienne Amelia et Breakthrough Energy Contrails.

L’objectif est d’optimiser les plans de vol et ainsi limiter leur surconsommation éventuelle de kérosène sous la barre des 3 %. Sur les vols entre Paris et Valladolid, par exemple, cette initiative a permis d’éviter plus de 20 tonnes d’équivalent CO2 en 2024. En 2025, Amelia applique cette initiative à la plupart de ses opérations aériennes éligibles, ce qui fait de cette expérimentation l’une des plus grandes au monde.